Endométriose : le témoignage captivant de Charlotte
Charlotte 31 ans est accompagnant éducatif et social. Elle travaille avec les personnes en situation de handicap. Atteinte d’endométriose et après avoir vécu beaucoup d’épreuves pour être enceinte, elle a voulu graver ce moment par des portraits à mes côtés. Son parcours est riche d’enseignement. Du diagnostics de son endométriose, en passant par son parcours PMA, jusqu’à l’annonce de sa grossesse. Elle nous raconte tout.
J’ai eu envie de recueillir son témoignage, parce qu’il est porteur d’espoir et instructif. Un vrai récit de femme qui nous parle à chacun, car nous connaissons tous des couples éprouvant des difficultés à avoir des enfants.
« L’endométriose peut prendre des formes variées et des degrés de gravité différents »
Comment as-tu découvert ta maladie ?
Je souffre depuis de nombreuses années de douleurs qui s’apparentent à des contractions dans le bas ventre et dans le bas du dos. Cela m’empêche de marcher. Ces douleurs n’apparaissent pas seulement au moment des règles (car encore faut-il les avoir), elles surviennent aléatoirement ou en cas de gros stress. Elles peuvent durer plusieurs semaines, puis disparaitre 1 ou 6 mois puis revenir. C’est très handicapant.
J’ai été diagnostiquée comme souffrant d’endométriose, il y a environ 6 ans. Avant cela mon médecin mettait mes douleurs sur le compte du stress et n’a pas cherché plus que ça pour en connaître l’origine. C’est en discutant avec une amie que celle-ci me conseille de consulter le docteur Leroy à Lille spécialisée dans ce domaine. Je suis finalement allée faire des tests qui se sont révélés positifs. La nouvelle a été difficile à avaler. On se pose un tas de questions, notamment si on va pouvoir avoir des enfants…
C’est une maladie difficile à déceler ?
L’endométriose peut prendre des formes variées et des degrés de gravité différents. Il s’agit également encore d’une maladie taboue car elle touche à l’intimité des femmes. De ce fait, le diagnostic de la maladie est complexe. La difficulté est aussi que peu de praticiens sont spécialisés dans ce domaine. On en parle réellement que depuis quelques années dans les médias et il n’y a pas beaucoup de recul sur cette maladie.
« La maladie n’empêche pas les possibilités d’être enceinte »
Peux-tu nous parler de ton parcours pour être enceinte ?
L’endométriose ne facilite pas les chances de tomber enceinte, mais n’en empêche pas les possibilités. Je suis tombée enceinte plusieurs fois mais ce fut des fausses couches à chaque fois. Avec mon conjoint, nous avons décidé de commencer un parcours PMA (Procréation médicalement assistée) en février 2019. La prise en charge a été assez rapide. Mais effectivement c’est un vrai parcours. Pendant environ un an nous avons fait des allers et retours sur Lille pour faire des inséminations, puis des FIV ICSI. Nos semaines étaient rythmées par des piqûres, des appels à l’hôpital pour prévenir des menstruations, puis échographies, prises de sang, recueil de sperme le matin, insémination l’après-midi. Tout était calculé. Lors du parcours, ce qui m’a sauté aux yeux c’est le nombre de personnes ayant recours à la PMA. Dans la salle d’attente, une bonne cinquantaine de personnes attendait pour suivre ce même parcours… Ça ressemblait un peu à l’usine. Premier arrivé, premier servi. Nous avions 1h20 de route pour arriver jusqu’à Lille. On arrive, on prend un ticket. Des personnes te doublent pour arriver en premier. C’est très particulier comme situation.
Comment as-tu supporté le parcours et les traitements – Physiquement et psychologiquement ?
Physiquement très mal… Avec les piqûres administrées, j’ai pris une dizaine de kilos en 10 mois.
Ça n’aide pas à se sentir bien. Et psychologiquement, mon moral jouait au yoyo. J’étais devenue infecte avec mon entourage, limite chieuse. Le parcours est bien ficelé et les professionnels de santé sont très compétents, mais ça reste un parcours médical assez froid qui laisse peu de place à l’aspect psychologique.
Les examens se font à la chaîne. Il y a tellement de monde, que l’on en perd le côté humain. Même pas le temps de dire « bonjour », « comment ça va ? »
« Certaines personnes ne comprenaient pas forcement la situation que je traversais «
Et votre couple, comment a-t-il supporté cette période ?
C’est une période qui nous met à l’épreuve et il vaut mieux être très soudé pour entamer cette procédure. Mon conjoint s’est impliqué de lui-même et avec quelques sollicitations de ma part. Cependant tous les examens, prises de sang etc. reposent essentiellement sur la femme. On se sent malgré tout très seule. Les câlins se font forcement en pensant aux résultats car c’est difficile de couper complètement avec le quotidien de ce parcours.
Quel a été le regard de ton entourage sur votre situation ?
Mes parents m’ont toujours soutenu ! C’est vrai que c’est dans ce genre de situation que l’on apprend à connaître son entourage. Il y a des déceptions et des personnes qui nous aident sans que l’on s’y attende. Certaines personnes ne comprenaient pas forcement la situation que je traversais. J’ai pu avoir des réflexions comme « c’est pour la bonne cause, il faut savoir ce que tu veux ». Entre les personnes qui me faisaient remarquer le poids pris, et d’autres qui me disaient « imagine si ça ne marche pas, t’aura fait tout ça pour rien », c’est compliqué à gérer.
Aussi, parfois c’est encore mal perçu de passer par la science pour avoir un enfant, même pour des personnes de notre génération. Il y a également les personnes qui se demandent pourquoi à 30 ans, tu n’as toujours pas d’enfant. Je n’avais pas forcément envie de raconter toute ma vie à tout le monde alors je répondais que je n’en voulais pas pour qu’on me laisse tranquille.
Face à toutes ces contraintes as-tu pensé à arrêter le parcours ?
Oui, j’en avais tellement marre que je m’étais presque fait à l’idée de ne pas avoir d’enfant. Début janvier 2020, j’ai tout abandonné. J’en ai eu marre des prises de poids, des humeurs changeantes, des bleus à cause des piqûres, le fait que tout soit calculé pesait sur mon moral.
Et le miracle est arrivé ?
Oui. C’est inespéré, mais en février 2020 j’apprends que je suis enceinte. Alors que j’avais complètement abandonné l’idée qu’un jour je puisse être mère. Pour moi il n’y a pas de hasard. Tout est écrit et c’est peut-être un peu fou, mais je suis tombée enceinte le jour où ma grand-mère est décédée. Ce sont mes petites croyances à moi mais je trouve ça incroyable. J’ai donc eu du mal à réaliser, au point que j’ai attendu presque cinq mois pour l’annoncer à tout le monde.
« Je ne veux aucun regret dans la vie et si je ne tombe enceinte qu’une fois j’aurais pu marquer le tournant de ma vie. »
Comment expliques-tu que ça arrive au moment où tu l’attends le moins ?
Je pense que le fait d’avoir lâcher prise, de m’être concentrée sur ma formation et puis la perte de ma grand-mère m’a complètement fait penser à autre chose.
A l’annonce de ma grossesse, mes parents se sont effondrés. On n’y croyait tellement plus.
Ces épreuves t’ont-elles changée ?
Oui, forcement. Je suis une personne qui prend les choses très à cœur, j’aime rendre service, recevoir. Par la force des choses, j’ai appris à dire non et à m’écouter davantage. Je me recentre sur l’essentiel.
Comment se passe ta grossesse ?
Hyper bien. Tout se passe tellement bien que je me posais des questions. Je n’ai eu aucun symptôme de grossesse, pas de vomissements, pas d’envie, pas de rétention d’eau. Juste la poitrine et là je commence à avoir mal au dos. Mais je dirais presque « Enfin ! ». MDR.
Comment vois-tu la vie maintenant ?
J’appréhende le jour de l’accouchement. On en a parlé avec mes collègues et je les remercie pour les détails de leur accouchement (rires) ! Le plus dur, c’est d’avoir mes parents loin de moi. A vrai dire, je n’arrive pas à me projeter plus loin que l’accouchement. Je préfère voir la vie au jour le jour. Pour éviter de me poser trop de questions et me laisser envahir par le stress. Advienne que pourra. C’est une phrase qui nous caractérise bien, mon conjoint et moi.
Qu’est ce qui t’a décidé à faire cette séance photos à mes côtés ?
Pour plusieurs raisons. Les photos, c’est toute ma vie. Je suis tout le temps en train de prendre des photos. Je n’avais cependant jamais fait de séance avec une photographe professionnelle. Là je me suis dit que je voulais vraiment faire une séance. Je ne veux aucun regret dans la vie et au moins si je ne tombe enceinte qu’une fois j’aurais pu marquer le tournant de ma vie. Dans 20 ans, je pourrais regarder mes photographies et me dire « Ohlala j’étais bien ! » Et puis ça représente aussi les photos de notre victoire.
Une collègue m’a parlé de toi et je me suis lancée. Je me suis surprise à être vraiment à l’aise durant la séance. Et puis lorsque j’ai vu le résultat j’étais trop fière. Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour de moi, mais les photographies sont magnifiques. J’avais le sourire jusqu’aux oreilles à leurs découvertes.
Je suis également dans l’optique d’investir dans mes souvenirs pour mon enfant plutôt que de mettre beaucoup d’argent dans du matériel. La poussette ne restera que peu de temps dans nos vies, alors que les photographies en feront partie pour toujours. Ça fait partie de la famille et de l’héritage.
NDLR : Si vous voulez en savoir plus sur l’endométriose, charlotte m’a fait découvrir ce site. Je vous le conseille il contient de bonnes sources d’informations: https://www.endofrance.org